LE BATELEUR
Interprétation
1. Le principe de jeunesse repose sur une ambivalence. Il traduit, d'une part, l'inexpérience et le manque de maturité et, d'autre part, il représente l'ouverture maximale: tout est à faire, à découvrir et à apprendre. Le BATELEUR illustre remarquablement l'enfant qui s'éveille, à la fois fragile et fort. Sa vie est devant lui. La position debout indique l'activité à déployer pour se réaliser. C'est un acteur et non pas un spectateur. Il se doit de participer activement et pleinement à son existence. La position verticale le définit comme sujet responsable et non pas comme objet passif et soumis.
2. Les pieds écartés, par contre, produisent immobilisme et indécision. Le Bateleur ne se déplace pas. Son œuvre est à réaliser ici et maintenant et non pas ailleurs et demain. C'est par excellence l'arcane du présent. Cette position manifeste aussi l'indécision car aucune direction n'est prise: on ne sait s'il va retourner d'où il vient dans un mouvement régressif (gauche) ou évoluer vers l'inconnu dans un mouvement expansif (droite). Son exploration doit porter sur la situation actuelle: nul mouvement spatial ou temporel n'est nécessaire.
3. Les couleurs s'alternent régulièrement en signe de richesse mais aussi de disparité. Il apparaît que les énergies masculines (rouge) et féminines (bleu) sont présentes mais encore non équilibrées. Le jaune, couleur intermédiaire, fait la liaison entre ces deux polarités et indique la part de divin que comporte tout être vivant. Il rappelle ainsi la présence cosmique en tout. Le travail du Bateleur consiste en un recentrage de ses énergies.
4. Son chapeau en forme de lemniscate évoque l'ouverture d'esprit du personnage. Je ne pense pas à une allusion précise au symbole utilisé à partir du XVIIe siècle pour figurer l'infini, mais à la forme du nœud pythagoricien qui constituait la coiffure des initiés. C'est en effet à cette époque qui vit s'élaborer le Tarot, que la fin du Moyen Age redécouvrait la culture grecque, et notamment dans le nord de l'Italie. Le Bateleur peut tout faire, tout penser, tout vivre et tout expérimenter. Le vert le met en relation avec les forces de la nature et lui confère un mental pur, juste, sensible et réceptif, de l'ordre du ressenti animal et non de l'ordre de la pure abstraction intellectuelle comme le signifieraient le bleu, le jaune et le blanc.
5. La table couleur chair indique que le travail du Bateleur doit s'effectuer sur le plan humain. Le fait qu'elle n'ait que trois pieds visibles peut s'interpréter comme l'instabilité de la position du Bateleur, même si c'est avec trois points que s'obtient la première figure stable dans l'espace. Dans l'espace symbolique qui est celui du Tarot, la stabilité est l'apanage du quatre. Les commencements sont toujours incertains : on ne sait sur quoi son travail va aboutir. Sa situation est donc précaire. Tous les projets génèrent de l'exaltation et de l'incertitude. Le Bateleur est libre, c'est-à-dire qu'il peut choisir n'importe quelle direction, selon ses désirs ou la qualité de son travail.
Egalement, le trois renvoie à l'aspect sacré de la Trinité et a, dans cette perspective, pour effet de "sublimer" l'œuvre du personnage. Cette table est bien plus qu'un simple établi, bien plus qu'une simple table. Elle a une signification à elle toute seule. Elle figure l'Univers dans sa totalité puisqu'elle porte les quatre énergies constitutives du Monde. Le symbolisme de la Table, comme matière d'édification et de réalisation, tant physique que spirituelle, se retrouve dans de nombreuses philosophies et religions. On pense aux Chevaliers de la Table Ronde, illustrant la quête mystique, aux Douze Apôtres et à la Table du Cénacle, aux Tables de la Loi, données à Moïse et devenant la référence morale de tout un peuple, à la Table gardée de l'Islam, sur laquelle Allah inscrit la destinée des hommes, à la Table d'Emeraude, sur laquelle Hermès Trismégiste aurait gravé les préceptes de l'hermétisme.
En dernier lieu, on peut supposer que le quatrième pied se trouve sur un autre plan, dans une autre dimension. C'est-à-dire que l'arcane I a nécessairement une suite, une conséquence. Ou en d'autres termes que le Bateleur a forcément un avenir. Il y a continuité de son action, dans un autre plan.
6. Les objets représentent les matières sur lesquelles le Bateleur va exercer son influence, sur lesquelles l'action va porter. Il est important de noter que l'on retrouve les quatre énergies du Tarot avec:
Les jetons = DENIERS: la Terre - le plan physique
La baguette = BATON: le Feu - le plan émotionnel
Les gobelets = COUPE: l'Eau - le plan affectif
Le poignard = EPEE: l'Air - le plan intellectuel.
Cela signifie que le développement futur concerne les quatre plans structuraux de l'homme et de l'univers, et, que l'œuvre du Bateleur consiste en sa propre édification, en sa propre construction. La première chose que l'on crée, c'est soi-même.
Egalement sur la table, on observe la besace, vidée de son contenu, symbolisant une prise de conscience de ses potentialités. Une première étape est donc franchie qui est celle de la reconnaissance du pouvoir inhérent à la nature humaine.
Les dés renvoient à un aspect ludique (dé = jeu) mais également correspondent à la dimension irrationnelle, jugée incontrôlable, partie constitutive de l'existence, appelée Hasard, Providence, Dieu, Chance ou Malchance. Les chiffres, inscrits sur les dés: 1 et 5, prouvent que cette instance, profondément dynamique, est toujours bénéfique puisqu'elle permet de s'élever du 1 (commencement) au 5 (évolution). Nous reparlerons de la positivité du "sort" au moment de l'étude de l'arcane XVI. Si l'on additionne les deux dés, on obtient 6 qui symbolise le choix existentiel (voir l'Amoureux).
7. Nous l'avons vu: la baguette s'assimile au Bâton et la pièce au Denier. Ce qui est intéressant ici, c'est le mouvement qu'exerce le Bateleur. Il réunit ainsi le Ciel et la Terre, comme s'il puisait des forces dans le premier (baguette vers le haut) pour mieux agir sur la deuxième (pièce ou jeton vers le bas). Il concrétise, par cette attitude hautement symbolique, le précepte hermétique selon lequel tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut. Sa fonction consiste à établir une liaison entre la Terre et le Ciel, le Corps et l'Esprit. L'Unité ne peut s'exercer que dans la mise en place d'une relation entre les polarités, séparées dans leur apparence, mais non dans leur nature. L'attitude du Bateleur ouvre la voie de la réalisation dans la symbiose du divin et de l'humain.
8. Il peut paraître surprenant que le Bateleur, figurant la première lame, et, par conséquent, la première étape de l'évolution humaine, regarde à gauche, c'est-à-dire son passé; alors que souvent le principe de vie, dans son aspect dynamique, est assimilé à la projection vers l'avant et donc dans l'avenir. Mais cette attitude, apparemment illogique et contradictoire, est fondamentale et extrêmement significative. Car, elle nous indique que le Bateleur, incarnant la naissance, la création, le commencement, ne se pose pas la question: "où vais je? lui préférant la question: "d'où viens je ?". Il indique ainsi que tout se décide avant, que toutes les clefs sont dans son antériorité, que toute connaissance est déjà acquise mais tellement enfouie qu'on la croit inexistante. Il pose la question des origines, si chère aux psychologues.
9. Le fait d'être à l'extérieur s'assimile à deux notions; d'une part, il suggère la confrontation au monde, à l'environnement, aux autres, ainsi que le manque de protection dont l'individu bénéficie (contrairement au fait d'être dedans); d'autre part, il prend sens comme une ouverture. Le Bateleur est libre. Et, c'est la précarité même de son cadre environnant qui lui confère son indépendance.
10. Le cyprès renvoie à la verticalité. La posture debout est le propre de l'homme et est considéré, par excellence, comme le signe distinctif de l'être humain par rapport à l'animal. La ligne verticale, évoquée ici tant dans la posture du Bateleur que dans l'arbre, définit l'arcane I, comme le commencement de l'existence humaine. Le dictionnaire des symboles explique à propos du cyprès que c'est un "arbre sacré chez de nombreux peuples; grâce à sa longévité et à sa verdure persistante, il est nommé l'arbre de vie. Ainsi le cyprès, présent dans la première lame, se rattache à la notion de vie. L'arcane, dès lors, devient source d'énergie, de force vitale et de régénération.
Le Nom
C'est: "Le Bateleur"
Définition du Larousse: "Bateleur: personne gui amuse le public en plein vent".
Son appellation le désigne comme un amuseur et comporte une tonalité ludique. Il signifie en cela (comme les dés) que la vie est avant tout un jeu et a donc pour effet de dédramatiser le rôle ainsi que l'acteur. Il induit le détachement nécessaire à développer pour pouvoir évoluer. D'autre part, le caractère magique de l'activité d'un bateleur (tel un magicien ou un prestidigitateur) évoque la dimension fantastique de la vie. N'y a-t-il rien de plus merveilleux, de plus extraordinaire qu'une naissance, que la croissance d'une fleur, qu'un enfant qui s'éveille ? Le Bateleur constitue un élément actif de cette magie fascinante. Il a, comme tout être vivant, un pouvoir de transformation. "L'Univers visible n'étant que magie et prestige, son Créateur ne serait-il pas l'illusionniste par excellence, le grand Prestidigitateur qui nous éblouit par ses tours de passe- passe ?"
La dernière chose à souligner, à propos de la définition du nom, est la référence au public. Or, sur la lame, n'apparaît aucun spectateur. Cependant, même si ceux-ci sont invisibles, ils existent pourtant. L'être, même s'il se construit seul, est observé, jugé, aidé ou entravé dans son évolution. Le rapport établi avec les autres est fondamental dans l'évolution de l'être. La qualité des interactions influence positivement ou négativement l'existence individuelle.
Sens initiatique
L'arcane I dans son ensemble se rapporte à la naissance et à l'éveil de l'être humain. En tant que première lame, elle ouvre le Tarot et représente la création, le commencement de l'histoire de l'Homme, de l'Humanité, de l'Univers. Elle situe l'être humain face à ses potentialités dans un chaos qu'il lui faut organiser. Elle exprime la richesse, la diversité ainsi que la multiplicité des éléments et des voies d'évolution possibles. Elle démontre la nécessité de ramener l'irrégulier au régulier, le désordre à l'ordre, le pluriel au singulier. Le projet essentiel du Bateleur, c'est l'Unité, origine perdue à retrouver.
Un autre principe essentiel est contenu dans l'Arcane I: c'est celui du travail. L'activité est nécessaire au développement de l'être humain. Il n'est pas question ici de l'effort coûteux et douloureux mais plutôt de la participation aisée et agréable aux rythmes de l'Univers. Le travail de l'homme est à l'image de celui de la Nature: il s'insère dans un ordre des choses et collabore à l'organisation et au bon fonctionnement du Monde. Le premier arcane définit la nature de l'activité à déployer sur les éléments pour s'édifier. Khalil Gibran nous donne, à travers l'un de ses merveilleux poèmes, une définition parfaite de l'oeuvre à accomplir, tant dans son principe que dans son expression:
"Toujours on vous a dit que le travail est une malédiction et le labeur une infortune. Mais je vous dis que lorsque vous travaillez vous accomplissez une part de rêve le plus lointain de la terre, qui vous fut assignée lorsque ce rêve naquit. Et en vous gardant unis au travail, en vérité vous aimez la vie, et aimer la vie à travers le travail, c'est être initié au plus intime secret de la vie ”
Le travail élève s'il est amour, il abaisse s'il est fardeau et douleur. Le Bateleur face à sa table, comme face à un établi, devient l'artisan de la vie, de sa vie. Il est posé en Maître de son destin, en décideur de son avenir, en forgeron de son existence. C'est la positivité de ses actes qui contribuera à lui apporter la réalisation de son être.
Sens psychologique
Le Bateleur constitue une lame profondément active. Le fait d'être placé devant une table, sur laquelle reposent divers objets, implique un travail à accomplir par soi-même. Elle s'apparente également au jeu, à la magie d'un être ou d'une situation. Elle représente la dimension individuelle et non pas collective: l'homme en tant que sujet. Enfin, l'arcane I incarne l'Enfant, l’enfant réel mais aussi l'enfant symbolique qui est en chaque être.
Le premier arcane du Tarot incarne la jeunesse avec tout ce qu'elle comprend de potentialités mais aussi d'incertitudes. Il est l'image même de la création et de l'édification du Moi, c'est à dire de la personnalité individuelle.
Le Mythe
Mais qui est donc ce jeune homme, debout, bien campé sur ses pieds posés en équerre sur le sol ? Il se tient derrière une table de couleur chair qui ne repose que sur trois pieds.
D'après le dictionnaire, un bateleur est une personne qui fait des tours d'adresse, d'escamotage ou de force devant le public dans les foires.
D'après la règle du jeu de tarot, il est l'arcane le plus important, tout à la fois fort, puisque Tarot, et plus faible des tarots, objets de tous les soucis des joueurs, autrement dit du public.
Cet arcane porte en outre le numéro I. Il inaugure la manifestation, car zéro n'a pas de sens, et toute son activité va consister à mettre de l'ordre dans le désordre apparent qui règne sur son étal.
"Ordo ab Chao"
Le BATELEUR et le mythe d'Orphée.
Le Bateleur est un magicien, un candidat à l'initiation. Il reste constamment maître de sa décision et il effectue ce périple en toute connaissance de cause. Orphée, considéré également comme un magicien, entreprend, avec ses compagnons, les Argonautes, un long voyage à la recherche de la Toison d'or, c'est-à-dire de lui-même. Son chant était célèbre dans l'Antiquité. C'est pourquoi le mythe d'Orphée continue à vivre à travers le premier arcane du tarot.
Le mythe d'Orphée est certainement, avec celui de la grande mère, le plus ancien de ceux qui nous sont parvenus, le plus dénaturé aussi, par le temps, les modifications que les hommes lui ont fait subir. Métaphysique au départ, il assimilait la mort du corps au départ du navire Argo et la permanence de la tête, siège de toute vie consciente au retour d'Argo, symbole de l'espérance de l'éternité.
Dans les tombes néolithiques de l'Europe de l'Ouest (pays celtes et germains), de l'Europe du Nord, de l'Inde du Nord, de la Crète, de la Grèce, on a trouvé des morts enterrés, debout ou assis, tenant leur tête entre leurs mains; un peu plus tard les têtes reposent sur les genoux. Pour ces peuples anciens, le corps dépendait de la tête, siège du commandement. En ensevelissant ainsi leurs morts, les hommes voulaient éviter que ceux-ci reviennent tourmenter le village ou la tribu.
La patrie d'Orphée serait la Thrace du Nord, terre sauvage et belle, au climat hivernal froid de l'Europe du Sud-Est. Orphée y naquit dans une grotte, réchauffé par un taureau. Son père était le roi Oagre et sa mère Calliope, la muse de la poésie. En grandissant, ses dons pour la musique devinrent tels qu'il inventa la cithare. Lorsqu'il chantait, en s'accompagnant de son instrument, il charmait les oiseaux des forêts, les bêtes familières ou sauvages, même les fauves, et quand son chant s'élevait dans les vallées et les montagnes, les arbres et les rochers le suivaient, lui faisant avec toutes les bêtes un cortège splendide. Orphée est décrit comme un homme doux et fort, très beau, qui porte des sandales d'or: ce qui le lie à la terre est fait d'un métal incorruptible, le métal des dieux.
Dans sa légende, un véhicule, le navire Argo, va lui servir à acquérir une plus haute conscience et une unité retrouvée et accrue après les épreuves. En effet, Jason, un autre héros de l'Antiquité, reçut d'Athéna, la déesse de la sagesse, la mission d'aller chercher aux confins du monde habité une Toison d'or, gardée par un dragon qui ne dormait jamais. Pour ce faire, il construisit un navire immense avec cinquante rames, Argo, " le blanc brillant " ou la " blanche nef ". Athéna avait cloué le plancher fait de bois du chêne sacré de Dodone. Ce plancher avait le don de parole et le navire lui-même pouvait prévoir les périls et en avertir les passagers, les Argonautes. Argo n'avait besoin ni de pilote ni de gouvernail, il obéissait à la voix des hommes, comme le corps obéit à l'esprit.
Jason réunit ses compagnons, héros et fils de héros de la guerre de Troie, demi-dieux: Héraclès, Castor et Pollux, les Dioscures, le devin Amphiarios, etc. Malgré un tel équipage de quarante- neuf héros, le navire resta à quai, sourd à la voix des hommes. Soudain la coque se mit à parler: " Je ne pourrai partir sans Orphée, le magicien, roi de la Thrace, que l'on aille le chercher!"
Une fois arrivé dans ce pays, Jason ne trouva pas Orphée dans sa grotte, mais suivant le vol des oiseaux et la course des bêtes qui s'élançaient vers des sons mélodieux, il le découvrit pendant sa compétition musicale avec le centaure Chiron. Qui des deux célébrait le mieux la naissance du monde et l'avenir de la race? Chiron était fort habile mais ce fut Orphée qui gagna. Lui seul, désormais, avait le droit d'entonner le chant du monde.
Le magicien connaissait le but de la venue de Jason et il le suivit car cette épreuve pouvait révéler le dieu potentiel qui était en lui. Tous deux rejoignirent les Argonautes. Avant de partir, Orphée fit les sacrifices pour leur rendre les dieux de la mer favorables. Les cinquante participants à cette expédition jurèrent de se prêter mutuellement assistance et s'ils revenaient, de commémorer tous les quatre ans ce retour en instituant des jeux en l'honneur de Zeus (création des jeux Olympiques).
Conter le voyage des Argonautes en détail ferait un livre, sachons simplement qu'il représente l'histoire d'une initiation. Les passagers d'Argo rencontrèrent autant d'épreuves à l'extérieur qu'à l'intérieur d'eux-mêmes: les oiseaux de l'île Arétia qui laissèrent tomber sur eux leurs plumes d'acier aussi mortelles que des flèches, les sirènes dont Orphée couvrit la voix par son chant, Médée, la sorcière, qui tua son frère pour couvrir la fuite de Jason qu'elle aimait. La venue à bord de cette magicienne provoqua la colère de Zeus qui condamna Argo à errer jusqu'à la purification de la meurtrière par Circé, autre magicienne. Le navire vogua sans direction jusqu'aux rives du Caucase où Prométhée subissait son supplice. Pendant neuf jours et neuf nuits, les Argonautes grelottèrent dans le froid brumeux des rivages scythes. Puis Argo retrouva sa route: l'île au centre de laquelle, dans une triple enceinte, se dressait un arbre, le palmier des voyageurs et, accrochée à un de ses rameaux, la Toison d'or. Sous terre, un dragon toujours éveillé gardait jalousement le trésor. Jason et Orphée furent les seuls à descendre sur l'île. Le fils de Calliope chanta en jouant de la cithare et le dragon, fasciné, ne bougea plus. Alors les deux Argonautes franchirent les enceintes et pénétrèrent dans le jardin; un charme étrange s'empara d'eux, un sentiment de quiétude et de bien-être. Orphée, malgré tout, réussit à jouer et à chanter encore et le dragon s'endormit. Jason s'empara de la Toison d'or et Orphée cueillit le rameau auquel elle était suspendue.
Après leur retour en Grèce, ils firent de grands sacrifices expiatoires. Argo se transforma et devint une étoile de la constellation du Navire. Puis Orphée revint en Thrace, dans son pays couvert de neige et retrouva sa grotte. Lorsque Dionysos vint en Thrace, les ménades s'emparèrent du poète - chanteur et le déchiquetèrent. Sa tête mordue par un serpent fut jetée à la mer. Elle se mit à chanter longtemps, longtemps avant de disparaître à l'horizon et chaque fois qu'une terre était en vue, elle se remettait à chanter. La cithare d'Orphée devint également une étoile, dans la constellation du Capricorne, visible seulement au milieu de l'hiver.
La recherche de la Toison d'or symbolise la quête de l'unité, de l'équilibre. Les épreuves des Argonautes correspondent aux efforts nécessaires pour atteindre l'harmonie. Le jardin, c'est le jardin alchimique, là où nous pourrions rester en toute quiétude, tout près du but; mais cela correspond alors au désir non maîtrisé, au retour dans le ventre de la mère au lieu de grandir et de triompher. Le dragon matérialise les puissances du monde souterrain, le gardien du seuil, le subconscient.