LA TEMPÉRANCE
Interprétation
De même que pour la Justice ou la Force, la troisième vertu figurant dans le Tarot est incarnée par le principe féminin. Elle exprime ainsi ses qualités de réceptivité. Toute vertu est passive, c’est-à-dire potentielle, contenue en l’homme mais non manifestée; l'évolution consiste à développer ce qui n’est que latent. La femme est pourvue de grandes ailes de couleur chair, ce qui l’identifie à un ange. Pourtant, la couleur des ailes continue à la garder très humaine. Le symbole tend ici à spécifier la nature de Tempérance : elle est immatérielle, légère et aérienne. Elle n’est ni palpable, ni définissable par la raison. Les ailes sont un symbole d’allégement et de libération, par le fait qu’elles affranchissent de la pesanteur terrestre. L’envol suggère la sortie du corps, la dématérialisation.
« Dans toutes les traditions, les ailes ne se prennent pas, elles se conquièrent, au prix d‘une éducation initiatique et purificatoire souvent longue et périlleuse ».
1. Le corps de la femme forme une courbe car elle se situe dans le royaume de la douceur et de la modération. Autant, la treizième lame, qui précède, est anguleuse (avec les symboles du squelette et de la faux), autant Tempérance est toute en courbes, lignes souples et adoucies. L’une fait passer à l’autre mais elles ne s’excluent pas mutuellement. La tête inclinée suggère une attitude de confiance et d’humilité. Le regard porte à droite car Tempérance permet une évolution; c’est une lame de progrès, d’avancée réelle et spirituelle.
2. Tout dans le quatorzième arcane confine à l’équilibre. De même, les couleurs s’alternent régulièrement sans que le bleu ne domine sur le rouge ou l’inverse. Les polarités positive et négative sont en parfaite harmonie. On retrouve (voir l’Amoureux), la juste répartition des énergies exprimées dans le symbole du yin et du yang.
3. Les cheveux bleus confèrent à l’arcane une propriété initiatique. Tempérance constitue un passage, par l’épreuve, d’un état à un autre. La fleur rouge, qui lui orne le front, induit l’existence d’une activité mentale et d’une production intellectuelle. D’autre part, elle réaffirme que Tout est dans Tout : l’activité comprend la passivité et vice-versa. La fleur symbolise aussi le comportement pacifique et non agressif.
4. La femme ailée accomplit une action qui semble immuable. En observant la carte, on a le sentiment qu’elle continuera éternellement à déverser le contenu d’un vase dans l’autre. Elle donne ainsi une impression d’éternité, de permanence et d’omniprésence. D’autre part, ce qui caractérise son action, c’est son apparente inutilité. En effet, l’action accomplie ne vise pas une création, n’aboutit pas à un quelconque résultat. Elle est unitive et non productive. Elle rappelle d’ailleurs étrangement la loi physique énoncée par Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Car si, il n’y a effectivement et visiblement ni création, ni déperdition de matière ou d’énergie, il y a bel et bien transformation.
Quels sont la nature et le but réels de l’action ? C’est de relier deux éléments entre eux. En effet, la femme ange met en relation deux choses qui, normalement, étaient séparées. Elle unit deux vases par un principe fluidique. Ils n’entrent par directement, par le contact, en relation l’un avec l'autre. Mais, c’est un troisième élément, une autre substance, qui permet l’interaction. Il ne s’agit donc pas d’un contact matériel ou physique mais d’un lien immatériel, métaphysique et indéfinissable. L’image, étant donné sa fixité, nous montre le vase bleu se déversant dans le vase rouge. De nombreux commentateurs ont interprété ce symbole comme révélant la présence de l’esprit dans la matière. C’est le Ciel (vase bleu) qui féconde la Terre (vase rouge).
5. Le filet qui relie les deux vases est blanc et torsadé. Il exprime ainsi la neutralité du principe : le lien peut être de différentes natures. La communication peut se fonder à différents niveaux : elle peut être affective, intellectuelle, matérielle, sexuelle, etc. La couleur blanche ne limite pas le lien établi mais l’ouvre au contraire à toutes les possibilités.
Le Nom
C’est : “Tempérance”
Définition du Larousse : « Vertu qui modère les désirs, les passions ».
Le quatorzième arcane du Tarot nous met en présence de la dernière vertu représentée dans le jeu. L’absence d’article défini est significative. Il n’est pas écrit : « La Tempérance » mais « Tempérance ». Cette spécificité peut prendre sens de différentes manières :
- Le nom devient prénom. Il ne s’agit alors plus d’un nom commun mais d’une appellation personnalisée. La femme ange s’appelle Tempérance. Elle est Tempérance.
- D’autre part, cette absence singulière ôte sa sexualité au terme à l’origine féminin. Cette qualité réside dans l’équilibrage des énergies, dans l’accomplissement de l’union des polarités féminine (vase bleu) et masculine (vase rouge). La répartition des couleurs évoque dans la même lignée l’androgyne dont il est question.
- Tempérance symbolise une unification. La présence d’un article aurait engendré deux termes accolés l’un à l’autre : “La” et “Tempérance”. Aussi, avec l’arcane XIV, nous ne sommes pas dans la dyade mais dans la monade sacrée. La femme ange, en reliant les deux vases, ramène le deux au un. La dénomination de la lame est donc en conformité avec sa signification profonde.
- En dernier lieu, le nom évoque le verbe « tempérer ». Il induit une action, plus sûrement que ne l’aurait fait : « La Tempérance ». Cette dernière apparaît comme un état intérieur, une qualité alors que “Tempérance” suggère une notion d’activité.
Après avoir analysé la forme du mot, il convient d’en étudier le fond.
La définition du terme repose sur des notions de mesure, d’équilibre et de modération. Tempérer, c’est rechercher l’harmonie en toutes choses.
Sens initiatique
L’arcane XIV incarne par excellence le principe de l’échange. Plus encore, il n’y a aucune production d’énergie; et en ce sens, il figure la communication désintéressée : c’est-à-dire sans attente de résultat. Sur un plan initiatique, succédant à l’arcane XIII, le quatorzième arcane représente la phase d’adaptation nécessaire après une grande transformation. Les ailes sont significatives d’une nouvelle naissance. Elle induit l’obligation de se recentrer, en laissant s’échanger pour s’équilibrer les énergies internes. Si l’arcane XIII déstabilise pour permettre de mourir, Tempérance équilibre pour permettre de vivre (ou revivre). La qualité, qui est suggérée, est la modération. Il s’agit plus de ne pas se livrer à la démesure que d’être prudent, la prudence représentant une autre vertu, non symbolisée dans l’édition originale du Tarot.
Que signifie alors : modérer ? C’est éviter l’excès destructeur, respecter l’harmonie des choses, se soustraire à la violence, à la colère et autres passions destructrices. Tempérance prône la douceur, la compréhension et l’intelligence du cœur. Elle fonde ainsi le principe sacré de la relation qui doit s’établir entre soi et l’environnement.
Communiquer apparaît comme une nécessité, dépouillée de toute attente. Si les deux vases entrent en interaction l’un avec l’autre : ils demeurent libres quand même. Ils conservent leur véritable nature. Aussi, communiquer, ce n’est pas refuser les différences; aimer, ce n’est pas se fondre dans l’autre, bien au contraire. Il s’agit simplement d’établir un lien.
Sens psychologique
Tempérance est un arcane d’harmonie. Son tracé arrondi, la douceur de l’acte, l’échange établi, expriment la résolution des conflits. Il s’oppose à la démesure et assure l’équilibre parfait. Tempérance décrit la voie du milieu.
Sur un plan psychologique, la présence des ailes, en affranchissant de la pesanteur, renvoie à la notion psychanalytique de sublimation. Les pulsions, au lieu d’être objet de soumission et d’attachement, s’ennoblissent et s’élèvent dans des attitudes créatrices. La libido se déplace et s’investit dans d’autres buts.
L’énergie sexuelle, définie par Freud, se canalise dans la recherche d’un dépassement et dans une volonté de pureté et de perfection. Ce que traduit bien le symbole de l’ange, correspondant, à un niveau inconscient, à la sagesse incarnée (« tu es un ange »).
Enfin, par le principe de l’échange, Tempérance représente le travail de mise en relation, nécessaire à la compréhension des situations. Elle permet d’accomplir des liens et pourrait s’apparenter, à ce titre, à la démarche analytique de recherche de sens. Il est nécessaire de rattacher les événements entre eux, les représentations entre elles. Par sa valeur unificatrice, elle s’oppose aux notions de division et de morcellement, suggérées par les arcanes XII et XIII. Elle est rassurante et revêt, la plupart du temps, une valeur positive pour l’observateur.
Le Mythe
Tempérance, dès la création du tarot, a été associée à l’ange gardien, le protecteur, celui qui veille sur quelqu’un. En remontant un peu plus dans le temps, on trouve le mythe du centaure instructeur, qui aide l’homme à poursuivre son évolution. Le plus sage et le plus célèbre de ces étranges êtres à têtes et torses d’hommes sur des corps de chevaux s’appelait Chiron. Il servit d’initiateur à Héraklès. C’est pourquoi son mythe continue à vivre dans cet arcane du tarot.
Le Bateleur, en arrivant à cette carte, va rencontrer en lui, l'homme, la bête (le centaure) et l’ange. Il prend un temps pour vérifier le chemin parcouru.
TEMPÉRANCE et le mythe du centaure Chiron
Hésiode raconte qu’un homme de mœurs brutales, Ixion, roi des Lapithes, tomba un jour amoureux de la fille d’Eionée, Dia. A l’occasion du mariage, il y eut un grand festin, mais, la fête terminée, Ixion précipita son beau-père dans une fosse et jeta sur lui des brandons et des branches allumées pour le faire brûler. Les dieux horrifiés par cet acte voulurent le punir mais Zeus, se rappelant sa conduite lorsqu’il était amoureux, lui pardonna, l’invita à sa table. Cependant, Ixion essaya de séduire Héra. Alors Zeus façonna une nuée à la ressemblance de son épouse et Ixion, ivre, s’unit à elle. Indigné, Zeus le condamna à être attaché à une roue enflammée tournant pour l’éternité dans le Tartare. De l’union de la nuée et d’Ixion seraient nés les centaures. D’autres récits plus anciens font des centaures, appelés les grands anciens et les fils du cheval, une race première.
Les centaures se battaient pour un rien, fonçaient, rapides comme le vent, mangeaient de la viande crue, de la moelle d’ours et de lion et ne supportaient pas le vin, dont pourtant ils raffolaient. Quelques gouttes de ce breuvage les rendaient fous, hallucinés. Ils avaient la détestable habitude d’enlever les femmes et de les violer. Mais, peu féconds, ils se reproduisaient rarement avec elles. Les rapports entre les hommes et les centaures restaient très ambigus, mais les dieux les protégeaient parce que race ancienne et étrange. Brutaux, individualistes, ils vivaient comme si des milliers de siècles les attendaient. Pourtant, ils étaient mortels.
Certains d’entre eux étaient cependant très sages; les dieux et les hommes les recherchaient comme instructeurs car leur savoir était grand dans la connaissance des plantes qui soignent, végétaux, racines, champignons, et dans l’astrologie où ils étaient passés maîtres.
Les centaures se réunissaient entre le solstice d’hiver et l’Épiphanie dans des forêts retirées, accrochées aux flancs des montagnes. Ils dansaient en silence dans la nuit, très longtemps, en suivant un rythme très lent. Ils regardaient leur constellation, le Sagittaire, étoile de première grandeur où veillait leur maître, et tiraient leurs flèches dans sa direction. Le dernier jour, toujours en dansant, ils mangeaient un champignon que leur donnait leur guide et s’endormaient. Nul ne devait les déranger pendant leur fête, un manteau d’oubli tombait sur eux. Pendant leur sommeil, une initiation magique s’opérait; au réveil, l’un d’eux se sentait investi pour conduire le groupe jusqu’à la prochaine fête; d’autres se réveillaient guérisseurs et instructeurs. Ceux-là devaient aider les hommes à évoluer. C’est ainsi que Chiron fut investi de ses pouvoirs.
Ce fut le plus sage, le plus débonnaire des centaures. Il ne toucha jamais au vin. Ses connaissances, plutôt instinctives, portaient sur les plantes, les secrets de la nature et l’astrologie. Il savait également que, pour guérir les autres, il devait renoncer à manger de la viande crue dont pourtant il raffolait. Il se sentit chargé, par une voix intérieure, de présenter ses services aux hommes. Il alla trouver Apollon à Delphes qui le purifia, l'inonda de lumière et de conscience, et en fit un immortel. Chiron pouvait dès lors prétendre à l’instruction des héros. Enfants, Asclépios, le divin médecin, Jason, et surtout Héraklès, furent ses élèves. Thémis lui demanda de veiller sur Prométhée. Chiron fut le seul centaure à avoir des rapports autres qu’hostiles avec les Titans, car ces derniers se méfiaient de la poussée de conscience qui se faisait jour chez les plus sages des hommes chevaux.
Chiron pouvait, une fois dans son existence terrestre d’immortel, donner l’initiation qui fait d’un mortel un dieu. Il choisit comme élu Héraklès. Après son éducation, celui-ci se vit chargé par les dieux d’effectuer les douze travaux. Lors de la capture du sanglier d’Erymanthe, le héros arriva chez Pholos, un centaure assez sage, qui accueillit Héraklès comme un hôte important, lui servit de la viande cuite, mais se garda bien d’ouvrir une jarre de vin. Car il savait que l’odeur attirerait les autres centaures et que le vin les rendrait fous. Mais Héraklès réclama de ce breuvage et, pour ne pas manquer aux lois de l’hospitalité, Pholos ouvrit la jarre. De la forêt toute proche les centaures accoururent aussitôt, se servirent et une violence sauvage, brutale, s’empara d’eux. Une lutte sans pitié les mit aux prises avec Héraklès. Le héros en tua beaucoup, dont Pholos, et il blessa malencontreusement Chiron, son instructeur, qui se trouvait là pour séparer les combattants. Un des centaures réussit à s’enfuir, Nessus.
Cette bataille eut lieu alors que Chiron vivait sur terre depuis bien longtemps. Les centaures ne peuvent se guérir eux- mêmes, aucun remède de la terre n’a de prise sur eux. Si la blessure est légère, ils continuent à vivre, sinon ils meurent. Chiron, lui, était immortel et ne pouvait donc pas suivre la loi commune. Sa blessure était si douloureuse que chaque pas lui semblait un supplice. Touché à l’époque où le soleil passe dans le Capricorne, c’est-à-dire juste avant l’époque de la fête des centaures, il participa cette année-là à la danse rituelle des forêts. Mais les souffrances envahissaient tout son être. Lorsqu’il se réveilla du sommeil sacré, il apprit qu’Héraklès avait tué d’une flèche l’aigle qui rongeait le foie de Prométhée. Alors il proposa de mourir à la place du Titan, de lui céder son immortalité, et il descendit au Tartare. Il s’enfonça plus loin encore, rencontra des pierres noires, plus sombres que l’onyx qui formaient le monde le plus profond; là il s’arrêta et s’enroula sur lui-même. Près de son corps dormait un jeune dieu qui depuis toujours attendait qu’une pensée vienne le réveiller et lui permette de remonter vers les chemins ascendants de la terre. Ce qui se passa, et Chiron alors s’évanouit dans la lumière, remonta dans la constellation du Sagittaire.
Ce centaure symbolise la possibilité d’abandonner ses forces vives, ses pulsions sexuelles et primitives pour aller plus loin dans la connaissance. Le centaure primitif représente notre inconscient le plus archaïque et Chiron, le plus sage des hommes chevaux, s’élève jusqu’à l’immortalité.
LA MORT D’HÉRAKLÉS
Lorsque Héraklès eut terminé ses douze travaux, il épousa Déjanire. Nessus, le centaure survivant du massacre, pour venger les siens, enleva Déjanire et tenta de la violer. Héraklès le tua d’une flèche. Mais avant de mourir, le centaure souffla à Déjanire de prendre sa tunique et de la faire mettre à Héraklès si un jour celui-ci lui montrait trop de froideur. Le héros tomba bientôt amoureux de sa captive Iole. Lorsqu’il voulut faire un sacrifice aux dieux, il envoya son fils chercher une tunique neuve auprès de son épouse. Déjanire, jalouse, se souvint des conseils du centaure et lui envoya la tunique de Nessus. A peine Héraklès l’eut-il endossée qu’il se sentit dévoré par un feu mortel et il lui fut impossible de l’enlever. Accompagné par son fils, il monta sur le mont Œta et s’y fit brûler pour mettre fin à ses souffrances et se purifier du sang du centaure. Ainsi l’oracle de Zeus sur ce héros se réalisait : “Aucun homme vivant ne tuera Héraklès.” C’était un centaure mort, Nessus, qui lui faisait quitter la terre.
L'ANGE GARDIEN ET LES GANAS
L’ange gardien chrétien vient à la fois du mythe des centaures instructeurs et des “garnements du ciel” ou Ganas du nord de l’Inde et du Tibet. La croyance en cet ange gardien était telle que, dans les campagnes, il n’y a pas si longtemps, lorsqu’on croisait quelqu’un on lui disait “bonjour la compagnie” pour saluer ainsi l’humain et l’ange qui se trouvait à ses côtés.
Les Ganas aussi avaient chacun charge d’un mortel, ils le suivaient toute sa vie, et à sa mort ils le défendaient contre les gardiens du seuil de l’autre monde, ils plaidaient sa cause devant les plus puissants des dieux. Mais le Gana ne pouvait agir que si on lui demandait quelque chose, il ne pouvait rien faire sans en être prié. L’homme qui ne demande rien à son Gana est la cause d’un drame dans le ciel, car mieux vaut un Gana surmené qu’un Gana qui pleure parce qu’il est inutile.
Aux Indes, le plus aimé de ces petits dieux, leur chef, se nomme Ganesha.
HISTOIRE DE GANESHA
Shiva, l’un des dieux les plus importants du panthéon hindou, était marié à Parvati. Leur couple n’était pas parfait, comme celui d’Héra et de Zeus. Parvati possédait un palais et un Gana en gardait la porte. Mais son divin époux pouvait y entrer lorsqu’il le voulait, accompagné ou non, surprenant les femmes à tous moments et dérangeant Parvati dans ses occupations. Celle-ci, excédée, décida un jour d’avoir un Gana qui n’obéirait qu’à ses ordres. Elle façonna dans de la glaise un bel enfant, lui insuffla la vie et le chargea de garder sa porte et d’en interdire l’entrée à quiconque, même à Shiva. Lorsque celui-ci voulut entrer, il fut surpris de se voir barrer la route par cet enfant qui tenait une massue dans ses mains. Il le bouscula, mais le Gana ne bougea pas. Shiva se fit connaître, tonna qu’il était l’époux de Parvati, rien à faire. Furieux, il appela ses gardes qui se retrouvèrent tous à terre, car l’enfant avait une force étonnante. Shiva ne voulut pas perdre la face. Il fit venir toutes les puissances de la nature, celles qui dormaient sous terre ou vivaient dans les forêts. Mais toutes battirent en retraite devant Ganesha, qui continuait d’affirmer que Parvati lui avait donné l’ordre de ne laisser entrer personne.
Alors tous les dieux vinrent au palais et Brahman, le plus ancien, le suprême, plein de bonté et de calme, parla à l’enfant pour le décider à céder la place. Mais Ganesha persista dans son refus, il ne pouvait désobéir à sa maîtresse. Et il leva sa massue. Tous les dieux passèrent à l’attaque et Vishnou, monté sur l’oiseau Garuda, employa des moyens magiques. Il fit se volatiliser la massue de Ganesha; comme celui-ci s’apprêtait à combattre à mains nues, Shiva, passant derrière lui, lança son trident et lui coupa la tête.
Quand Parvati découvrit le corps sans vie de son Gana, sa douleur fut à son comble. Elle déchaîna toutes les puissances qui la servaient contre Shiva et refusa de le voir.
Mutilé, parce qu’un dieu dans les mythes hindous n’existe pas sans sa parèdre, Shiva vint humblement, suivi de tous les autres dieux, lui demander pardon. Parvati mit une condition : qu’il redonne la vie à son Gana et qu’il le respecte. Shiva donna l’ordre à ses serviteurs de rapporter la tête de la première créature qu’ils rencontreraient. Ce fut un éléphant. C’est pourquoi Ganesha a une tête d’éléphant. Parvati le présenta à tous les dieux et le nomma gardien de tous les Ganas.
Ce petit dieu à tête d’éléphant et au ventre proéminent est très sollicité aux Indes. Très aimé, on lui recommande chaque nouvelle entreprise car il est celui qui “écarte les obstacles”. Il protège les artisans et les artistes. Beaucoup de danseuses sacrées dédient leur première danse à Ganesha, leur protecteur. Il symbolise la force dans la lutte et le courage moral d’affronter les épreuves, comme Chiron et la Tempérance.
SURVIVANCE POPULAIRE DU MYTHE DES CENTAURES
A Chio et à Samos, les enfants nés pendant la période entre le solstice d’hiver et l’Épiphanie étaient appelés jusqu’au XVIII siècle les enfants chevaux. On disait qu’ils risquaient de devenir fous. Pour les protéger et les purifier, au début de janvier, lorsque ces enfants atteignaient l’âge de trois ou quatre ans, on allumait un grand feu, puis on approchait leurs pieds nus des braises. Ensuite on leur posait cette question : « Pain ou
viande » ? S’ils répondaient pain, ils préféraient les céréales et ils ne risquaient pas d’être des enfants centaures. En revanche, lorsqu’ils répondaient viande, ils étaient suspects, et pour les débarrasser de leur animalité il fallait leur chauffer un peu plus les pieds. Bien sûr, les enfants se prêtaient à ce rite avec plaisir, car quel est celui qui ne souhaite pas un jour devenir cheval...